« Une pièce de flamme et d’acier. Avec elle, Ibsen apporte une contribution décisive à la fondation du drame moderne. Il y invente un rôle de femme qui compte parmi les plus aboutis et les plus profondément théâtraux du répertoire : le portrait d’Hedda tel qu’Ibsen le propose n’est pas le compte-rendu d’une enquête parvenue à sa conclusion, mais tout au contraire la première étape d’une recherche qui ne peut s’achever qu’en scène. La mécanique de ce chef-d’œuvre est aussi précise, aussi implacablement agencée que celle d’une arme. L’exposition, directe et presque brutale, va droit aux données essentielles : de retour d’un voyage de noces qui s’est prolongé plusieurs mois, un jeune couple fait son arrivée dans la splendide villa qui lui servira de foyer. Si la villa a été richement aménagée et meublée, c’est qu’il faut qu’elle soit digne de la fille du Général Gabler. Si le voyage a duré si longtemps, c’est que Jorgen Tesman, son époux, avait à conduire dans diverses bibliothèques européennes d’importantes recherches dans la perspective de sa candidature à un poste de professeur titulaire. Si cette chaire revêt une telle importance à ses yeux, c’est qu’il doit absolument pouvoir compter sur son traitement afin de régler les dettes contractées pour financer la luxueuse villa…
À ce mouvement inexorable de remontée depuis les riantes apparences bourgeoises jusqu’à la réalité crue qui leur sert de condition s’ajoute le dévoilement d’arrière-plans que l’on sent chargés de non-dits, de menaces, d’inquiétudes : comment Hedda Tesman s’est-elle accommodée de cette confusion entre voyage d’études et voyage de noces, comment a-t-elle pu la supporter, à quoi donc a-t-elle occupé toutes ces journées de solitude à l’étranger ? Et quand elle refuse de répondre à la vieille tante de Jorgen, qui cherche à savoir si la famille ne va pas bientôt s’agrandir, pourquoi le fait-elle avec tant de brusquerie et d’amertume ? Chaque information se double ainsi d’une interrogation qui entraîne le spectateur plus loin, vers des profondeurs énigmatiques où l’on sent poindre à certains indices, sous la froideur des convenances, les soubresauts de vies trop empêchées, des orgueils pareils à des soifs, des exigences qui finissent par retourner leur rigueur contre soi plutôt que d’accepter le moindre compromis avec la médiocrité du monde.
Et ces énigmes, ces indices, gravitent autour d’un centre vénéneux qui tient sous sa fascination obscure les personnages, le public et sans doute l’auteur lui-même : qui est Hedda ? Que veut-elle ? D’où vient ce vertige de destruction qui l’habite, ce besoin d’”avoir le pouvoir sur une destinée humaine” ? Et jusqu’où la conduira-t-il ? ». Odéon-Théâtre de l’Europe, 2005
Distribution
ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE : Éric Lacascade /
AVEC : Isabelle Huppert / Pascal Bongad / Christophe Grégoire / Nora Krief / Elisabetta Pogliani / Jean-Marie Winling /
COLLABORATION ARTISTIQUE : David Bobée /
LUMIÈRE : Philippe Berthomé /
DÉCORS : Philippe Marioge /
COSTUMES : Laurence Bruley /
PRODUCTION : Odéon-Théâtre de l’Europe, Centre Dramatique National de Normandie - Comédie de Caen, La Comédie de Genève
Dates de tournées
ODÉON-THÉÂTRE DE L’EUROPE : JANVIER À MARS 2005
COMÉDIE DE GENÈVE : MARS 2005
COMÉDIE DE CAEN : AVRIL 2005
TEATRO LLUIRE (ESPAGNE) : MAI 2005
RUHRFESTSPIELE RECKLINGHAUSEN (ALLEMAGNE) : MAI 2005